Quoi de neuf, docteur?
Trois livres sur la pratique médicale se sont empilés au pied de mon lit. Le Kérangal dont le parti pris du style m'avait un peu lassé (oui, je sais, il a eu le prix France Culture Télérama.... Mais, comme me disait une étudiante, on dirait un livre écrit pour être étudié en cours!)
"Le soleil sous la soie" d'Eric Marchal
L' histoire romanesque d'un chirurgien Lorrain au XVIIème qui ne se lâche qu'une fois terminée. Des aventures, de l'amour et une justesse historique remarquable en font un roman très agréable et facile à lire. En quatrième de couverture, on le compare aux "Piliers de la terre de Ken Follett et il faut reconnaître qu'il y a un peu de ça dans ce "page turner"
"Les endormeurs" d'Anna Enquist
Encore un excellent roman d'Anna Enquist dont j'aime beaucoup la couverture. (Elles sont toujours très réussies chez Actes Sud)
Drik, psychanalyste, vient de perdre sa femme et reprend peu à peu sa pratique analytique avec un patient déconcertant, tandis que sa soeur Suzanne, épouse du meilleur ami de Drik, et, anesthésiste, reprend la sienne après s'être beaucoup occupé de la femme de son frère.
Les endormeurs, ici, sont les anesthésistes et les psychanalystes qui endorment les souffrances physiques et psychiques. Leur pratique est mise en parallèle par l'auteur au travers d'une histoire familiale. Si l'anesthésie est censée occulter la souffrance par l'inconscience, l'analyse est censée l'occulter, au contraire, par une sorte de révélation, par une mise à jour d'une vérité. Deux pratiques symboliquement contradictoires dont Enquist va se jouer tout au long du roman.
Sa sensibilité et son élégante sobriété permettent un jeu de miroirs. Sous l'apparence banalité d'une histoire familiale ou d'un travail (description très technique pour l'anesthésie) chaque élément, chaque information donnée au lecteur est signifiante. L'auteur (elle même psychanalyste) conduit son livre comme une analyse, nous conviant à prendre conscience, face aux réactions des personnages, du poids que leur histoire leur fait porter. Elle réussit également à parler du quotidien avec un réalisme dense et, quand survient l'élément perturbateur (Allard, le patient de Drik), elle laisse s'installer la trame d'une tragédie, nous rappelant que les structures des mythes sont aussi les structures de notre inconscient.
Du même auteur, lisez "Les porteurs de glace", "Le secret", "Le chef d'oeuvre"
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