Sur la route..... Nicolas de Staël
Il faut absolument s'arréter au musée André Malraux du Havre pour voir l'exposition "Nicolas de Staël, lumières du nord, lumières du sud"".
Le cadre même du musée baigné de ciel et de mer entre en résonance avec la liberté et la fluidité de sa peinture. C'est une expérience unique, qu'être, à la fois, dedans et dehors.
C'est un de mes peintres préférés... De ses peintures surgissent un lyrisme qu'on trouve peu chez les abstraits et une poésie vibrante et sensible de la forme épurée.
En effet, entre abstraction et figuration, de Staël refuse de choisir. "Je n'oppose pas la peinture abstraite à la peinture figurative. Une peinture devrait être à la fois abstraite et figurative, abstraite en tant que mur, figurative en tant qu'espace"
Il ne garde du réel, que des fantômes flottant dans la lumière de ses grands aplats qui structurent l'espace.
Quelques fois, la matière se superpose, un noir sous un jaune qu'on devine à des traces, des bordures qui font vibrer la couleur, quelques fois, la peinture est tirée laissant apparaitre les irrégularités du support lui donnant une sorte de fraîcheur immédiate.
Ici, sont présentés ses paysages, du nord au sud, avec des gammes chromatiques différentes mais qui se rejoignent sur l'idée d'un espace fluide et ouvert et sur des bleus ou des gris.
Les gris, les bleus, les verts de Calais ou de la Normandie sont opaques comme une mer sous un ciel pluvieux, souvent l'horizon disparaît, et, au contraire des impressionnistes, la lumière n'est pas diffraction mais reste captive de formes géométriques qui la font chanter comme jamais.
Une lumière mélancolique douce et soyeuse surgissant des rouges d'un signal et des noirs de la côte ou d'un quai pour la lumière du nord
et l' éclat brutal de la lumière de Sicile ou du midi qui casse les jaunes et les bleus en contrastes tragiques.
Souvent il impose, par le biais d'une route, une ligne de fuite qui concentre le regard en un point du tableau où se cloture ou bien s'ouvre un espace presque métaphysique.
On sent chez lui une nécessite une exigence de faire surgir la vérité d'une émotion:" Toute ma vie j'ai eu besoin de penser peinture, de voir des tableaux, de faire de la peinture pour m'aider à vivre, me libérer de toutes les impressions, toutes les sensations, toutes les inquiétudes auxquelles je n'ai jamais trouvé d'autres issues que la peinture."
et cette émotion, ces impressions, nous les partageons vraiment, en contemplant ses toiles.
Même le paysage en sortant du musée était un hommage à la peinture de Nicolas de Staël
"Le champ de tous est celui de chacun, trop pauvre, momentanément abandonné.
Nicolas de Staël nous met en chemise et au vent la pierre fracassée.
Dans l'aven des couleurs, il la trempe, il la baigne, il l'agite, il la fronce.
Les toiliers de l'espace lui offrent un orchestre.
Ô toile de rocher, qui frémis, montrée nue sur la corde d'amour !
En secret un grand peintre va te vêtir, pour tous les yeux, du désir le plus entier et le moins exigeant."
René Char
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