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La semaine des 4 jeudis
26 juin 2014

La recherche du temps perdu de Julian fellowes

 

 Le narrateur du roman de Julian fellowes(qui ressemble à s'y méprendre à l'auteur) reçoit une lettre d'un ancien condisciple qu'il n'a pas vu depuis plus de quarante ans. Leur dernière rencontre, mystérieusement, semble avoir interdit tout lien entre eux. Damian était un jeune homme venu de nulle part, brillant et ambitieux dont le seul but était de pénétrer le cercle très fermé de la gentry. Aujourd'hui, malade, il lui demande, après avoir reçu une lettre anonyme lui révélant qu'il est père d'un enfant, de chercher cet enfant qu'il aurait eu d'une de ses nombreuses liaisons de jeunesse, pour lui  léguer son immense fortune. Le narrateur va donc retrouver une à une ces femmes qui furent des "débutantes" de l'aristocratie britannique dans les années 60/70.

Le roman est un récit classique en littérature de l'arriviste qui veut intégrer une classe auquel il n'appartient pas (Rastignac, Julien Sorel). C'est par la séduction un peu cynique des filles, surveillées par des mères corsetées et attentives au moindre faux pas, qu'il va tenter d'y parvenir. C'est un roman qui révèle le mur des codes implicites mis en place dans une classe sociale, plus cette classe est "élevée" plus ses codes sont obscurs et cryptés pour celui qui cherche à s'y introduire. 

Impossible, également, de ne pas penser à Proust dans leur démarche commune de décrire un monde d'hier confronté à une rupture sociale, chez Proust, l'affaire Dreyfus et la guerre 14, chez Fellowes, le choc des années du "swinging london" qui bouleversèrent l'Angleterre des années 60.

Le roman alterne en miroir le récit de ces années et ce que les personnages sont devenus aujourd'hui

Fellowes est expert, comme dans "Gosford park" ou "Downton abbey" dont il est le scénariste, à traquer les ridicules de la gentry sans se départir d'une tendresse pour ce milieu dont il est issu et qui peine à s'adapter à la modernité.  C'est la grande force du roman, montrer cette société refermée sur elle même dont les membres se cooptent et mettent plus haut que tout le nom et l'origine. Il est sans complaisance (le narrateur ne s'épargne pas!), sévère, ironique mais un peu nostalgique de ce monde perdu dont les valeurs semblent être supplantées par la vulgarité de l'argent, la perte des "manières" et l'abandon d'une forme de morale.

J'ai beaucoup aimé ce roman qui me semble assez universel. Le clivage des codes est sans doute le fondement d'une société de classe et son mécanisme semble perdurer dans les sociétés contemporaines (il suffit d'avoir lu "La violence des riches" des Pinçon Charlot!). Plus que l'argent, c'est une forme de culture infuse qui fait la différence et garde l'individu au sein de sa propre classe. Le récit est mené comme une enquête. La recherche de cet enfant, de sa mère mais aussi de ce qui s'est dénoué au Portugal tiennent l'intéret du lecteur. Les analyses de l'évolution de la société anglaise sont pertinentes, les anecdotes souvent très drôles (un bal où des gâteaux fourrés au cannabis sont servis, malencontreusement, en dessert par exemple!) et les personnages émouvants. Fellowes a le goût du détail, il décrit l'importance d'avoir un chapeau usé à Ascot, la blancheur des robes des débutantes, les manoirs dans lesquels les tableaux d'ancêtres valent mieux que le confort.

Un roman, extrêmement britannique par son sujet, par son ton entre ironie et tendresse, par sa légère mélancolie... donc.... un excellent roman.

 

#je dis

 

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Commentaires
S
Merci pour toutes vos critiques très bien écrites.<br /> <br /> Cce livre partira avec moi en vacances en Bretagne !<br /> <br /> Bonne semaine
S
Merci pour toutes vos critiques très bien écrites.<br /> <br /> Cce livre partira avec moi en vacances en Bretagne !<br /> <br /> Bonne semaine
F
Ca me fait penser, au petit livre qu'avaient sorti en 2009 les Pinçon-Charlot "Paris : Quinze promenades sociologiques".<br /> <br /> Vous ecrivez "plus cette classe est "élevée" plus ses codes sont obscurs et cryptés pour celui qui cherche à s'y introduire". C'est extrement vrai, vous avez une très interessante sur ces codes: http://www.franceculture.fr/emission-la-fabrique-de-l-histoire-histoire-de-la-bourgeoisie-14-2014-02-03 <br /> <br /> bonne journée
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