Je viens de fermer la dernière page de "Vertiges" de Lionel Duroy
Lionel Duroy revient sans cesse sur son enfance et son adolescence qui nourrissent, et, ses névroses, et, ses livres. Dans "Le chagrin", il racontait le couple de ses parents, leurs 10 enfants, la toxicité de sa mère. Il était magistral tant par la nervosité de son écriture " au plus près de l'os" que dans sa construction en "flashback" emmêlés. Le roman (mais oserais-je dire "roman"?) m'avait beaucoup touchée, j'ai, donc , plongé avec lui dans ses vertiges amoureux....
On ne guérit jamais de son enfance ( surtout Lionel Duroy!), et l'auteur n'a de cesse de nous prouver que celle ci va déterminer ses échecs en amour
.Au début, j' ai éprouvé une certaine lassitude à ce ressassement perpétuel, à être convoquée, une fois encore devant le trou de la serrure. Le lecteur éprouve de la compassion pour ce pauvre Augustin, substitut de l'auteur, mais sent qu'il serait peut être temps de passer à autre chose et que cette psychanalyse littéraire lui est sans doute salutaire mais qu'elle n' apporte plus grand chose à l'émotion du lecteur.
Pourtant, peu à peu, on prend conscience que Lionel Duroy en a fait l'essence et le ressort même de son écriture et que ce ressassement n'est pas un ressassement utilitaire, mais littéraire, la matière même de son oeuvre. Nous lisons alors une sorte d'élégie moderne, avec ces refrains, ces phrases, ces situations, ces mêmes thèmes, ces mêmes lieux qui scandent le récit.
Le couple d'Augustin et de Cécile se délite. Ils se disent qu'ils s'aiment mais Cécile est amoureuse de Markus et Augustin qui n'a cessé de la tromper a rencontré Esther. Ce quatuor va précipiter l'auteur dans la redite du couple parental où il va se voir échouer comme son père. C'est un maigre sujet que l'auteur explore avec une sorte de masochisme, il ne se donne jamais le beau rôle et s'empare du discours sans lever l'opacité des êtres. Il creuse, il creuse, il tourne autour mais le secret, le "pourquoi" se dérobent toujours.
Il n'y a pas de mots d'amour, il n'y a que des actes d'amour nous dit il et pourtant, tout est mots/maux dans "Vertiges".
Il est difficile dans l'autofiction de situer le "je" mais, qu'importe, il y a une sorte d'universalité dans les vertiges, les amours et les échecs d'Augustin, personnage tellement contemporain, et même sans cette adhésion, le lecteur est totalement pris par la technique narrative obsessionnelle de Lionel Duroy.
Les deux dernières phrases du livre:
"Au milieu de la nuit, comme je ne dormais pas, j'avais enfin pris conscience de l'effet dévastateur d'une telle phrase. J'aurais tellement voulu qu'elle ne soit pas dite, mais elle l'avait été, et je savais qu'elle continuerait de creuser en moi jusqu'à ce que, petit à petit, le souvenir d'Esther s'estompe."
Il me semble que Lionel Duroy nous prépare un nouvel opus.
Dans ma PAL:
"Le chardonneret" de Donna Tartt
"Réparer les vivants" de Maylis de Kerangal
"Des jours que je n'ai pas oubliés" de Santiago Amigorena
"Mer agitée à très agitée" de Sophie Bassignac
"La violence des riches" de Michel Pinçon et Monique Pinçon Charlot
#je dis