J'ai testé pour vous: avoir eu une enfance romanesque
Je suis née dans les montagnes de Guinée, où le métier de papa l’avait entrainé après Madagascar et le Mali. J’ai vécu 8 ans en Afrique.
Quand on connaît le lieu de ma naissance, je deviens une personne un peu différente… surtout aux yeux des enfants.
Je deviens quelqu'un d'exotique, qui semble avoir vécu dans un film ou un dessin animé et survécu à mille périls.
Ils ne se lassent pas de me demander de leur raconter 10 fois, 20 fois les mêmes anecdotes de mon enfance, les animaux sauvages, les orages, la foudre, la végétation, les maisons…
Nourris par un imaginaire, un peu naïf, il n’existe pas encore pour eux, des pays aux peuples, cultures et histoires différents mais un seul grand pays démesuré, magique et mystérieux, l’Afrique, pays de Kirikou, des contes, ou, du livre de la jungle, parce que quand on dit « jungle » ce ne peut être que la jungle africaine.
Je ne cherche pas à leur parler des fractures de la colonisation, de la guerre, du pillage des ressources et des terres par les pays occidentaux, mais, alimentant le romanesque qu’ils attendent, je leur décris des papillons bleus, phosphorescents, grands comme des assiettes qui volent en forêt, les cohortes de fourmis qui ne laissent rien après leur passage, le souffle des hippopotames dans les marigots, les singes criards qui lancent des noix de coco sur la voiture, les serpents qui mangent des gazelles, le ballon bleu des physalies….Et je rajoute quelques éléphants pour leur faire plaisir, quelques lions affamés pour voir leurs yeux briller et quelques gorilles pour avoir l’honneur de pousser le cri de Tarzan en me frappant la poitrine, (même si je ne sors qu’un misérable couinement !).
Je décris les orages qui abattent les arbres en forêt, la foudre qui les embrasent comme des torches et qui entre dans la maison par une fenêtre et ressort par l’autre, les pluies diluviennes sur la terre rouge qui s’arrêtent d’un coup comme si on avait fermé un robinet là haut. Je leur parle de magie, des sorciers aux scarifications étranges, de leurs masques, de leurs poudres, de leurs onguents, des danses, du son du tam-tam de village en village.
Je leur donne une image de carte postale, une image tout à fait simpliste et complètement dépassée, à la mesure des rapides transformations du continent africain mais leur rêve et ma vanité n’ont pas de prix et quand ils me disent : « Raconte, l’Afrique ! », je ne résiste pas et le récit de mon enfance devient un condensé entre l’enfance de Tarzan et « Daktari ». Ils sauront bien assez tôt, comme le dit Boris Cyrulnik que « la vérité narrative n’est pas la vérité historique » mais, en attendant, je suis la star des bonnes histoires.
L’ineffable Mr Je Dis, peut aller se rhabiller avec son enfance dans une ferme d'Eure et loir. Si encore, il y avait eu, là, quelques vaches, 2 ou 3 cochons…. mais non, seulement, 2 chiens, un chat et ....de très gros tracteurs (Cependant, il faut avouer que l'imaginaire des gros tracteurs marche aussi très bien!)
#je dis